Notre « État de la pauvreté » en France et en Isère
Le Secours Catholique publie ce jeudi 14 novembre son rapport statistique annuel État de la pauvreté en France « Prestations sociales : quand la solidarité s'éloigne ».
Pour son rapport 2024, au-delà des contours d’une pauvreté multiple et complexe, qui caractérise l’exclusion d’aujourd’hui, nous alertons sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres et la difficulté à accéder à la protection sociale face à la dématérialisation des démarches administratives.
Le passage au tout numérique avec ses incompréhensions, blocages, bugs et contentieux s’est traduit par une déshumanisation, un accroissement des inégalités et une augmentation du non-recours aux prestations sociales.
En 2023, 44% des personnes accueillies en Isère étaient sans ressource (25% au niveau national), un chiffre record qui témoigne de l’aggravation des conditions de vie, notamment pour les personnes exilées vivant en métropole grenobloise. Le niveau de vie médian des ménages rencontrés est en baisse de 19€ et s’établit à 555 euros par mois au national et 517€ en Isère.
95% (90% en Isère) des ménages rencontrés ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (1275€), 74% (67% en Isère) sont même en situation d’extrême pauvreté (850€).
L’écoute et l’aide aux démarches est le premier besoin exprimé par les personnes que nous rencontrons
L’écoute reste le besoin essentiel exprimé par les personnes en situation de pauvreté. En 2023 elles étaient 42 % à exprimer leur besoin de rencontrer un bénévole pour expliquer leur situation et être aidées dans leurs démarches administratives et d’accès aux droits.
En ce qui concerne les impayés (charges, loyer, énergie mobilité), ils concernent 47% des ménages rencontrés en Isère, notamment les familles monoparentales. Pour aider les personnes à rétablir leur budget ou à régler des impayés, le Secours Catholique de l’Isère a octroyé 90 300€ d’aides financières directes aux personnes en 2023.
Cette année, nous avons voulu regarder de plus près comment les personnes accèdent, ou non, à la solidarité nationale telle qu’elle s’exprime à travers les prestations sociales. Or le constat est sans appel : cette solidarité, centrale dans la vie des personnes, au fil des années, s’étiole et s’éloigne.
La protection sociale permet aux individus de faire face à un large spectre d’événements de la vie, appelés risques sociaux. Parmi les ménages rencontrés par le Secours Catholique en 2023, 60% évoquent ces accidents de la vie (séparation, déménagement, maladie, perte d’emploi …) pour décrire les circonstances de leur venue.
Un indicateur éloquent pour mesurer la difficulté d’accès aux prestations sociales est le taux de non-recours, particulièrement élevé pour le RSA (36% en Isère, en hausse de 10 points par rapport à 2010) .
"C'est un vrai parcours du combattant"
Accès à l’information, vérification de son éligibilité aux prestations, constitution du dossier de demande de prestation, réponse de l’administration, suivi de ses droits…. A chacune de ces étapes, le parcours peut s’avérer complexe, semé d’embuches, surtout pour les personnes isolées.
Les personnes en situation de pauvreté font face à une série d’obstacles pour accomplir nombre de démarches ayant pour conséquence une entrave à l’accès à leurs droits. La dématérialisation a bouleversé le rôle des administrations dont le lien essentiel de proximité n’existe presque plus et a accentué l’exclusion des personnes éloignées du « tout numérique » et de celles et ceux qui ne « rentrent » pas dans les cases.
Nos bénévoles et les personnes accompagnées font le même constat devant une administration plus distante, plus éloignée et qui a perdu en qualité de son action, laissant de côté l’orientation et l’accompagnement des demandeurs dans leurs démarches.
Pour obtenir ma pension de retraite, je devais tout faire en ligne mais je me suis plantée car je ne savais pas envoyer une pièce jointe. Dans ces moments-là, je me sens démunie.